mercredi 26 décembre 2018

Viespe (1)

Radu avait six bras, mais ce n'était pas un monstre comme les autres. Lui, il pouvait sortir. 
Il se regarda avec complaisance dans le miroir de sa chambre : grand, robuste, cheveux châtain sans début de calvitie, tempes argentées et regard de celui qui cache quelque chose d'interdit. Il sourit et prit grand plaisir à faire encore jouer ses deux petites extrémités musclées pour ensuite les relier au tronc au moyen de deux sangles élastiques. La nuit était froide, parfaite. 
Il enfila sa vieille veste noire et quitta la tente du cirque. 
Comme toujours, Madalin se promenait sur l'esplanade extérieure. Le nain, solitaire, sortait de la séance du matin. Il ne s'éloignait jamais de plus de quelques mètres de l'enceinte.
 — On se dégourdit les jambes ? demanda Radu.
 — Fous le camp, Tarentule !
 — Pourquoi ne viens-tu pas avec moi ? Je te présenterai à quelques amies...
 Madalin trembla légèrement, mais il s'habituait à ce genre de propos. Radu fit encore un essai :
 — J'en connais une qui ressemble à Irina. Pour le double d'argent, tu pourrais...
 Madalin regimba puis poussa un glapissement sonore.
 — Cochon... tu... tu l'as... balbutia-t-il, et il avança vers Radu. 
Souriant, Radu continua à marcher, dos tourné, jusqu'à la clôture. Il savait bien où se trouvait sa limite. Il appuya un coude sur la clôture.
 Madelin recula en se balançant. Trop près du monde extérieur.
  — Les papillons devraient voler, Madalin.
 Radu se perdit dans la nuit.

Traduit de l´espagnol par Pierre Jean Brouillaud dans INFINI.

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