mercredi 26 décembre 2018

Viespe (1)

Radu avait six bras, mais ce n'était pas un monstre comme les autres. Lui, il pouvait sortir. 
Il se regarda avec complaisance dans le miroir de sa chambre : grand, robuste, cheveux châtain sans début de calvitie, tempes argentées et regard de celui qui cache quelque chose d'interdit. Il sourit et prit grand plaisir à faire encore jouer ses deux petites extrémités musclées pour ensuite les relier au tronc au moyen de deux sangles élastiques. La nuit était froide, parfaite. 
Il enfila sa vieille veste noire et quitta la tente du cirque. 
Comme toujours, Madalin se promenait sur l'esplanade extérieure. Le nain, solitaire, sortait de la séance du matin. Il ne s'éloignait jamais de plus de quelques mètres de l'enceinte.
 — On se dégourdit les jambes ? demanda Radu.
 — Fous le camp, Tarentule !
 — Pourquoi ne viens-tu pas avec moi ? Je te présenterai à quelques amies...
 Madalin trembla légèrement, mais il s'habituait à ce genre de propos. Radu fit encore un essai :
 — J'en connais une qui ressemble à Irina. Pour le double d'argent, tu pourrais...
 Madalin regimba puis poussa un glapissement sonore.
 — Cochon... tu... tu l'as... balbutia-t-il, et il avança vers Radu. 
Souriant, Radu continua à marcher, dos tourné, jusqu'à la clôture. Il savait bien où se trouvait sa limite. Il appuya un coude sur la clôture.
 Madelin recula en se balançant. Trop près du monde extérieur.
  — Les papillons devraient voler, Madalin.
 Radu se perdit dans la nuit.

Traduit de l´espagnol par Pierre Jean Brouillaud dans INFINI.

mercredi 1 août 2018

Zothique (mon essai de traduction)

ZOTHIQUE
© Clark Ashton Smith
© “Traduction” : Fermín Moreno González

Celui qui a suivi les ombres de Zothique
Et vu le soleil d´un rouge charbon oblique,
Dorénavant ne retourne à aucun terre d´hier,   
Plutôt il rôde une côte ensevelie
Où les cités s´écroulent dans le sable noir du mer
Et des dieux morts boivent du sel marin.

Celui qui a connu les jardins de Zothique
Où saignent les fruits fendus du bec du simorgh mythique,
Ne savoure aucun d´autre d´hémisphères plus verts :
Dans des arbres de hauteur inouïe,
Dans le crépuscule des années qui meurent,
Boit de l´amarante le vin.

Celui qui a aimé les filles sauvages de Zothique
Ne distinguera d´avec son amour le baiser vampirique,
Ni reviendra chercher un amour plus aimant :
Pour lui le fantôme cramoisi
De Lilith dès la dernière nécropole du temps
Se dresse amoureux et malin.   

Celui qui a navigué aux galères de Zothique
Et vu l´apparition d´étranges spires et pics,
Doit braver encore le typhon du sorcier déchaîné,
Et prendre le timon ainsi
Sur d´orageux océans perdus sous la lune changée
Ou le Signe mué par le destin.

vendredi 20 juillet 2018

Les larmes coulent




Les larmes coulent
si lentement
qu'on dirait qu'elles sont là dès toujours
comme la pluie qui caresse les vitres
comme le fleuve qui ruisele parmi les marnes
et peut-être
elles y resteront après tout
quand le sentiment mourra
et le rappel même.



© 1990 Fermin Moreno 

© Image : Dana Neibert

samedi 14 juillet 2018

Le talion convoité

Vous les ravageurs oisifs,
vous les pillards des naïfs,
soi-disant savants sans souci
dont un seul mot blasé suffit
pour m´avoir presque détruit
pas de pardon, point d´oubli
je vais attendre jusqu`à la nuit
pour étancher la soif de mon esprit
en buvant de l´étang cramoisi
débordant de votre sang maudit.