mardi 2 septembre 2014

APRÈS L´HIVER




—Maman, maman ! —s´écria le petit.

—Qu´est-ce que tu as, mon cher ? —demanda sa mère.

—Il y a un petit peu quand il faisait nuit

les soldats ont pris la douce boulangère.

Où est-ce qu´elle s´en va ?

—Elle sera déjà mais cahin-caha

dans un autre four que l´on dit bûcher.

Tais-toi mon amour —dit-elle à son tour—,

que tes yeux sont pers comme ceux de ta sœur,

courtisane naguère bien malgré son cœur

pour les envahisseurs,

et s´ils devinaient cette notre tanière

ils vendraient encore pour te prendre fort

afin d´être éphèbe du mandarinat.

—Qu´est-ce que c´est que ça ? —le petit demanda.

—Ce sont des enfants pris aux alentours

qui pleurent toujours pour plaire la cour.

—Si seulement papa était ici encore !

—Il y a eu un an hier les arbaletriers

l´ont pendu tout nu dans le cimetière

pour qu´il soit la graine de la mandragore.

—Maman, j´ai très faim et il fait froid ici-bas !

—On ne peut pas quitter pendant tout l´hiver

jusqu´à ce qu´ils croient que nous sommes morts,

à ce moment-là l´on ira chercher les voleurs de corps

et les trois ensemble l´on s´enfuira jusqu´à la frontière ;

tu te chaufferas en venant m´aider chasser ce gros rat.

jeudi 19 juin 2014

Cantiques de l´abysse


















Où la lumière est la proie ou le predateur,
où le mâle parasite la femelle,
où il pleut une manne de charognes,
où la mort t'attend dans le limon,
c'est le royaume des seigneurs abyssaux.

Où le sang se mêle de l'obscurité,
où vivre est guetter et s'enfuir,
où l'on ne meurt qu'en lambeaux,
où il n'y a qu'un néant fangeuse,
c'est le royaume des seigneurs abyssaux.

Des mâchoires dilatées,
des dents anhélants,
et une effroyable et craquante agonie.

Crie, étranger, avec tes os crévés,
de plus en plus pendant ta descente,
tandis que mille bouches te déchirent,
avalant tes morceaux,
parce que nul ne connaît le fond de l'abysse.


© Fermín Moreno González