(texte paru sur SABLE nº 1 français)
Il était une fois une hautaine
princesse Shahir qui défia capricieusement son chevalier servant dévoué en lui
posant une devinette que le Dieu fennec lui-même lui avait soufflée au cours de
ses dévotions solitaires au-delà des Portes du Mystère.
_ Où sont à la fois l’ébène et la
glace ? demanda la grande princesse aux yeux gris.
On ne se rappelle pas le nom de son
amoureux. Le mur épais de l’oubli s’est élevé depuis lors, mais sa triste quête
demeure toujours.
Ce n’était pas un homme cultivé, et
ni les litanies des anciens, ni les arcanes du culte mystérieux de la princesse
ne lui dévoilèrent quoi que ce soit. Il ne pouvait pas décrypter le savoir des
livres. Il pouvait seulement voir par les pupilles brillantes de sa bien-aimée.
Alors il partit au loin en quête d’une réponse.
Il chevaucha le long de la Vallée des Damnés en
marmonnant sa question, comme s’il avait peur de l’oublier. La solitude était
devenue sa compagne parmi les ossements anciens et non corrompus des guerriers
morts. Il dut sacrifier à leurs esprits planants son étalon bien-aimé pour
franchir la Vallée. Les
têtes de mort ne lui répondirent pas.
Après cela, il fit face à la sinistre Falaise
du Sacrifice grouillante de terrifiants habitants inhumains emplis d’un ardent
désir charnel envers tout ce qu’ils trouvaient. Il put difficilement les éviter
alors qu’il était en train de grimper. Ce n’était pas là qu’il obtiendrait une
réponse.
De l’autre côté de la montagne abrupte
se trouvait Minartee, la cité païenne, ses spires gravées et dorées et ses
dômes de marbre veineux s’élevant hautainement dans le ciel nuageux d’une aube
glaciale. Il se cacha derrière les rochers moussus à côté de la Route du Nord en provenance
de la Dernière Mer
jusqu’à ce qu’il parvienne à voler un pèlerin solitaire se dirigeant vers la
cité malsaine. Il enfila les grossiers vêtements de laine de l’homme et pénétra
ainsi dans l’enceinte de pierres de
Minartee sans être remarqué. Une fois dans la cité, il se dirigea vers le
temple hérétique. Il avait entendu dire que ses prêtres impies échangeaient
avidement leurs avis contre un peu de sang. Ainsi fit-il, se faisant lui-même
passer pour un pèlerin. Aucune réponse ne lui fut donnée.
A présent, il quitta Minartee pour le
Nord, à travers les contrées marécageuses. Si les faunes et les crapauds
coassaient narquoisement la bonne réponse, il ne la comprenait pas. Une fois la Dernière Mer
atteinte, il convainquit un groupe de marins tannés afin d’embarquer pour un
voyage d´un lustre tout autour des côtes des pays connus. Il rencontra et
questionna beaucoup de gens. Personne ne put lui répondre.
Finalement, il rentra chez lui,
attristé et ayant l’air vieux, ses yeux perdus à jamais par la distance,
cherchant toujours une réponse. Il alla au palais et pénétra dans la chambre de
la princesse sans se faire annoncer. Elle était assise sur son trône royal. Un
souvenir vint à elle à le voir, et elle sourit brièvement en le regardant.
Alors il comprit.
L’ébène et la glace étaient tous deux
là, palpitant sur un trône d’ivoire.
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